Par Hugo Cordier | 3 mai 2023
Le projet de loi 15, qui vise à rendre le système de santé plus efficace, fait couler bien de l’encre. Celui-ci compte 308 pages, plus de 1000 articles et modifie 37 des lois actuellement en vigueur. Toutefois, on ne retrouve pas, dans les quelque 1000 articles du projet, une seule mention concernant les besoins de la population.
Les besoins des Québécois, en matière de santé, ne devraient-il pas guider les actions du réseau, comme le précisaient toutes les versions des lois sur la santé adoptées depuis M. Claude Castonguay? Au lieu de cela, le projet de loi 15 est centré sur les gestionnaires, les problèmes de ressources humaines et la gouvernance du ministère et de son réseau.
Il est clair qu’avec tout ce qui a été énoncé et la création de la nouvelle entité «Santé Québec», ce projet de loi constitue un changement dans la façon de penser et d’agir et aura un impact direct sur la gestion des professionnels du réseau de santé. Mais quels bénéfices les usagers du service de santé en retireront-ils? Un accès plus rapide aux soins, des services plus efficaces?
Dépoussiérer les vieilles idées
À la lecture du projet de loi, le mot «efficacité» semble subitement refaire surface dans le discours du gouvernement. Cela n’a pourtant rien de nouveau et semble simplement suivre les traces de la réforme Barrette, qui rappelons-le, date de 2015. Au cœur du débat, on retrouve aussi la décentralisation des soins et le recours au secteur privé, mais cela non plus n’a rien de nouveau; la jurisprudence de 2005, en faisait déjà état dans l’arrêt Chaoulli c. Québec. Alors, à quoi les Québécois doivent-ils s'attendre cette-fois-ci et surtout, y aura-t-il enfin des changements et de réelles améliorations aux soins de santé?
Comme le disait si bien Henry Ford : «L’échec est seulement l’opportunité de recommencer d’une façon plus intelligente». Espérons que le projet de loi 15 apportera un vent de fraîcheur sur le réseau de la santé et qu’une part des améliorations touchera directement la population et les services auxquels elle est en droit de prétendre.
Une réponse aux enjeux organisationnels bien plus qu’une réponse aux besoins des usagers
Avec son projet de loi, le gouvernement Dubé répond à un besoin et un enjeu organisationnel certain du système de santé. Néanmoins le projet est davantage axé sur les différents gestionnaires, le financement et la gouvernance du système plutôt que sur l’usager lui-même, son autonomie et l’approche populationnelle.
À l’analyse du projet de loi 15, force est de constater que nous sommes bien loin des préceptes de la commission Castonguay Nepveu et du bien-être social des années 60 qui prônait une vision du système basée sur les sciences humaines de la santé ainsi que sur la responsabilité individuelle.
Délais d'attente dans le réseau de la santé et failles du système
Le projet apporte néanmoins un élément de réponse quant à la question du délai déraisonnable dans le réseau de santé. Il énonce la possibilité de recourir à des «mécanismes particuliers» pour résoudre la question de l’engorgement des urgences. Toutefois, il est possible de s’interroger sur la nature de ces mécanismes qui s’apparente à une offre axée davantage sur le secteur privé que sur les services du secteur public.
De plus, le projet de loi 15 rappelle des mécanismes tels que le «comité vigilance et de la qualité» ou encore le «registre national des incidents et des accidents» déjà présents dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui, ensemble, pourraient créer un lien pour améliorer l’expérience du patient et prévenir au maximum les failles du système.
En définitive, le projet de loi 15 laisse entrevoir une réforme administrative et une vision hospitalo-centriste plutôt qu’une réelle volonté de décloisonner les soins pour permettre une transversalité qui apporterait une efficience clinique continue.
Hugo Cordier est diplômé d'un master 2 «Droit international et humanitaire de la santé», université de Montpellier et est étudiant au sein de l’université de Montréal dans le programme d’actualisation en Droit afin d’intégrer l’École du barreau de Montréal.
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